Le levain, la levure
c'est quoi ça ?
( Texte extrait de "Les pains des quatre saison" pages 18 à 21)

 

"[...] PAIN AU LEVAIN OU A LA LEVURE ?

Un nombre croissant de boulangeries arborent le panonceau « pain au levain ». Le levain traditionnel avait progressivement disparu au profit de la levure, mais il revient en force. Cet engouement est-il justifié ?


Un peu de microbiologie

Disons pour commencer que si la microbiologie ne vous intéresse pas, vous pouvez passer tout de suite à la page 20 ; l'homme a fait du pain - et du bon pain - pendant des millénaires sans même soupçonner l'existence des micro-organismes ! Lorsque la pâte à pain augmente de volume, c'est sous l'action de bulles de gaz carbonique qui se forment et y restent emprisonnées. Ce gaz peut être produit soit par des êtres vivants - bactéries ou levures - soit par la décomposition d'une substance chimique. Dans le cas du pain, qu'il soit au levain ou à la levure, c'est toujours le premier processus qui intervient. La production de gaz carbonique par une réaction chimique est le propre de la levure dite «chimique» (ou «alsacienne») à base de bicarbonate de soude. Les micro-organismes qui se développent lors de la fermentation du pain appartiennent à deux grandes « familles » : les bactéries et les levures (champignons microscopiques composés d'une seule cellule). Dans la panification traditionnelle au levain, utilisant un levain spontané, on laisse se développer les micro-organismes présents dans l'air, sur les grains de blé, dans la farine et à la surface des récipients. Et là, on trouve de tout : de très nombreuses espèces de bactéries et des levures dites «sauvages». Tout ce petit monde croît et se multiplie, le rôle joué par les différents types de micro-organismes dépendant des conditions de la fermentation : matière première utilisée, température, consistance et travail de la pâte. Les bactéries sont principalement du type «lactique» ; elles appartiennent à la même famille que celles qui transforment le chou en choucroute ou qui font cailler le lait. Leur principale fonction, dans la panification, est de transformer les sucres en acide lactique. Quelques-unes d'entre elles - dites « hétérofermentatives » - produisent également de l'acide acétique. Les bactéries lactiques acidifient le pain, mais ne le font guère lever. Ce sont, en effet, les levures qui produisent le gaz carbonique responsable de la levée de la pâte. Tout l'art de la panification au levain consiste à maintenir un bon équilibre entre les bactéries et les levures. Si rien ne remplace les tours de main et l'expérience, il n'est pas inutile de connaître les exigences respectives de ces deux catégories de micro-organismes. Les bactéries lactiques sont favorisées par une température assez élevée (environ 30 °C), alors que les levures préfèrent une température un peu plus basse (22 à 26 °C). Mais ces mêmes températures basses font le jeu des bactéries lactiques hétérofermentatives (qui produisent de l'acide lactique et de l'acide acétique) au détriment des bactéries homofermentatives (qui ne produisent que de l'acide lactique). Or, c'est principalement l'acide acétique qui est responsable de la saveur excessivement acide de certains pains au levain. Voilà pourquoi les pains au levain deviennent souvent trop acides lorsqu'on les met à lever à une température insuffisante. Par ailleurs, les levures préfèrent une pâte bien aérée - d'où l'importance du pétrissage - et pas trop consistante. On constate, de ce fait, que les pâtes « molles » lèvent mieux que les pâtes trop fermes. Dans le pain à la levure, au lieu de laisser se multiplier les bactéries et les levures présentes naturellement dans le milieu, on apporte une quantité massive de levures, ou plutôt d'une espèce de levure, Saccharomyces Cerevisiae, la levure de bière. Apport massif même s'il ne s'agit que d'un petit cube, puisque 1 gramme de levure de bière fraîche contient 10 milliards de cellules de levure. Inutile de dire que, dans ces conditions, les malheureuses bactéries lactiques n'ont pratiquement pas la possibilité de se multiplier. D'où une fermentation presque exclusivement alcoolique. Les levures, en effet, transforment les sucres en gaz carbonique et en alcool, ce dernier s'évaporant lors de la cuisson du pain. Cette fermentation produisant beaucoup de gaz carbonique, on obtient un pain bien levé, avec de grandes alvéoles, comme notre baguette nationale. La panification au levain sur levure est un système intermédiaire, dont nous reparlerons.

Les avantages du pain à la levure

Si, au XVIII e siècle, le pain à la levure a détrôné, du moins dans les villes, le pain au levain, ce n'est pas par hasard. Moins compact et moins dense, il plaît au consommateur, et en particulier au citadin. Il plaît davantage encore aux boulangers : la panification devient beaucoup plus facile et plus rapide : plus de levain à préparer, le pain lève deux ou trois fois plus vite. Les risques d'échec sont pratiquement nuls ; avec la levure, on est sûr que le pain sera toujours bien levé.

 

Les avantages du pain au levain

L'avantage le plus immédiat est, bien entendu, la saveur, nettement plus agréable et plus subtile que celle du pain à la levure. Autre avantage considérable : la conservation. Un pain au levain bien fait rassit lentement et reste très bon pendant une semaine et souvent davantage. Le pain à la levure, au contraire, rassit en une journée. D'un point de vue diététique, enfin, le pain au levain est bien préférable. L'acidification et le travail enzymatique effectués par les bactéries lactiques facilitent sa digestion et - contrairement à ce qui se passe dans la fermentation à base de levures - décomposent la plus grande partie de l'acide phytique contenu dans les céréales complètes. Ingéré en trop grandes quantités, cet acide, se combinant aux minéraux de l'organisme, en particulier le calcium et le magnésium, peut être cause de déminéralisation. La fermentation au levain s'impose donc pour les pains à base de céréales complètes. Pour les pains, et surtout la pâtisserie, à base de farine bise ou blanche, on peut accepter la levure, d'autant que ce ne sont pas des aliments de base."

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